Le magazine > L’intelligence artificielle et ses axes de recherches

Comment s’orientent les recherches sur la création de systèmes intelligents ?

Depuis 1956, le terme Intelligence Artificielle fait écho un peu partout. De nombreuses définitions existent concernant cette technologie. En effet, bien qu’elles aient toutes plus ou moins le même sens, c’est dans les approches qu’elles diffèrent. On distingue deux axes de recherches qui se déclinent chacun sous deux approches. L’étude de la pensée (raisonnement), et celle du comportement qui se déclinent sous l’approche humaine et rationnelle.

Ainsi, voici les quatre approches qui font avancer les recherches sur l’Intelligence Artificielle :

Une intelligence artificielle doit-elle penser comme les humains ? agir comme les humains ? penser rationnellement ? ou agir rationnellement ?

C’est vrai que l’on pourrait se dire que c’est la même chose. Mais c’est faux. Les recherches évoluent différemment selon les approches.

L’approche humaine

La machine doit agir comme les humains

Le premier à avoir réfléchi à « comment créer une machine intelligente », c’est Alan Turing. Sa théorie, c’est que si une machine peut être intelligente, elle doit agir comme les humains. Il a alors créé le fameux test de Turing.

Pour qu’une machine soit considérée intelligente, elle doit passer ce test avec brio. Sans rentrer dans les détails de ce test, ce dernier met en relation un questionneur (humain) à un répondant (humain ou virtuel). Si à la fin du test, le questionneur n’est pas capable de dire si le répondant était un homme ou une machine, alors le test est réussi.

Ce test est très connu et est encore d’actualité 60 ans plus tard. La version complète du test inclut un signal vidéo à la machine pour tester les capacités perceptives. Pour passer le test complet, la machine doit disposer de ces 6 fonctionnalités :

  • La maîtrise du langage naturel
  • La représentation de la connaissance (stockage de ce qu’elle sait ou entend)
  • Le raisonnement automatisé
  • L’apprentissage (adaptation + détecter les invariants et les extrapoler)
  • Une vision artificielle
  • Un corps robotisé

Nous verrons plus tard que ces 6 fonctionnalités restent essentielles dans une autre approche.

Mais les chercheurs préfèrent étudier les principes sous-jacent à l’intelligence plutôt que de tenter de l’imiter. En effet, nous n’avons pas appris à voler en imitant les oiseaux, mais en étudiant l’aérodynamique. Ce qui nous emmène à la théorie : la machine doit « penser comme les humains ».

La machine doit penser comme les humains ?

Avant de vouloir faire penser une machine comme un humain, une question vient … comment pensent les humains ? Vaste question n’est-ce-pas. D’ailleurs, nous ne le savons pas vraiment. Mais ce dont nous sommes sûrs, c’est que c’est bien le cerveau qui nous fournit l’esprit (à l’époque nous pensions que ça venait du cœur ou de la ratte).

Il existe aujourd’hui trois techniques pour tenter de déterminer le fonctionnement de la pensée :

  • L’introspection (se saisir de ses propres pensées)
  • La psychologie (observer un individu dans ses actions)
  • L’imagerie cérébrale

Une fois que l’on dispose d’une vision assez claire de l’esprit, notamment grâce à toutes les recherches qui ont été faites sur ce sujet, cette théorie représente le cerveau comme un programme informatique. Il suffirait donc de trouver le code de notre cerveau pour pouvoir l’appliquer à un ordinateur.

Pour confirmer cette théorie, on comparait les actions réalisées par une machine et celles d’un humain pour le même problème posé. Et lorsque les résultats correspondaient, on en déduisait que la machine pensait comme un humain. Par ailleurs, au début de l’IA, on confondait le fait de « penser comme un humain » et le fait « d’agir comme un humain » car on pensait que la pensée justifiait l’action. Aujourd’hui on sait que l’action peut être égale avec un système de raisonnement différent.

Ici encore, on essaye d’imiter l’humain. Mais il est important d’aller plus en profondeur dans le système cognitif afin d’essayer de le reproduire. L’Homme est rationnel (avec une rationalité limitée bien-sûr). Alors comprendre le processus de la rationalité semble être un bon point d’entrée dans l’élaboration d’une IA.

L’approche rationnelle

La machine doit penser rationnellement

Cette approche porte le nom de « loi de la pensée ». Aristote fut l’un des premiers à partir du constat que certaines choses sont toujours vraies. Il a donc voulu codifier le « bien penser », soit les procédés de raisonnement irréfutables. Je cite son exemple : « Socrate est homme, tous les hommes sont mortels, Socrate est donc mortel ».  Ce système de pensé est dit « logique ».

Et ces lois de la pensée étaient sensées régir tout le fonctionnement de l’esprit humain. A l’aide de ce constat sont nés les premiers programmes informatiques capables de résoudre des problèmes logiques. Ces systèmes sont déjà considérés comme « intelligents » car ils permettent d’assister l’Homme dans des taches qui requièrent un raisonnement rationnel.

Cette approche a deux inconvénients :

  • Il est très difficile d’isoler une connaissance informelle pour l’utiliser de façon formelle, notamment si la connaissance n’est pas sûre à 100%
  • Il y a une grande différence entre résoudre un problème « en théorie » et « en pratique ». Pour être plus clair, si le système n’est pas guidé dans le choix des priorités, la capacité de calculs peut rapidement être épuisée dans la recherche du « meilleur moyen ».

Et bien entendu, nous sommes tous d’accord pour dire que certaines choses ne sont pas toujours vraies à 100%. Ou alors, elles peuvent varier selon le « libre arbitre » de chacun. C’est pour cela que cette approche est vouée à l’échec, et que la pensée rationnelle n’est pas toujours le meilleur moyen d’opérer.

C’est ce qui nous mène vers la dernière approche, qui demande à la machine d’agir rationnellement.

La machine doit agir rationnellement

Cette approche est celle de l’agent rationnel. Pour être rationnel, l’agent doit théoriquement être capable de :

  • Fonctionner de façon autonome,
  • Percevoir son environnement,
  • Persister pendant une période prolongée,
  • S’adapter aux changements,
  • Poursuivre des objectifs

L’agent rationnel doit donc toujours agir de la meilleure manière (dans le cas de rationalité parfaite), ou, si l’environnement est incertain, donner la meilleure solution prévisible.

Deux cas découlent donc de cette approche :

  • L’agent conclut logiquement que l’action qu’il va entreprendre permettra d’atteindre les objectifs fixés, puis inférera (inférer signifie agir en connaissance de faits).
  • Si l’agent ne peut pas être sûr à 100% que l’action qu’il va effectuer permettra d’atteindre objectifs, il doit évaluer la meilleure solution et agir malgré son incertitude.

Chez l’humain, il existe des situations dans lesquelles nous agissons de façon rationnelle sans pour autant être inférant. Les réflexes de survie par exemple. Dans le cas où vous poseriez votre main sur un poêle chaud, le réflexe d’enlever rapidement votre main est très rationnel car cela vous empêche de vous brûler. En revanche, l’inférence n’est pas vérifiée car nous agissons trop rapidement pour évaluer la meilleure solution à suivre.

C’est là que nous retournons au test de Turing. Le fait de posséder toutes les caractéristiques nécessaires au passage du test permettrait à l’agent d’agir rationnellement.

Cette approche a deux avantages sur les autres :

  • Elle est plus générale, elle donne à la validité des inférences (et donc du système logique) un seul processus pour atteindre la rationalité (contrairement à la « loi de la pensée »),
  • L’approche rationnelle (et non l’approche humaine) donne aux recherches une approche scientifique plus simple car plus facilement vérifiable et donc prouvable.

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